L’élegance du grunge parisien
Le designer parisien pour hommes Louis-Gabriel Nouchi, qui a fait ses classes en Belgique et en Italie et qui assume son tropisme japonais, nous fait part de ses influences, de ce qui fait la singularité du style de ses vêtements de sport mêlant le grunge et l’élégance, de sa clientèle féminine, et de ce que ça signifie d’être un créateur de mode à Paris en 2019.
Campaign @louisgabrielnouchi SS19, photo by @mia.dabrowski
Lorsque j’appelle Louis-Gabriel Nouchi pour l’interviewer, il s’excuse immédiatement de ne pas avoir pu se libérer pour que nous puissions nous rencontrer en personne – il est très occupé par la nouvelle collection qu’il prépare en vue de la Fashion Week de Paris en juin. C’est sa troisième participation à l’évènement. Le créateur a lancé sa marque en 2017 et a été rapidement invité à présenter ses pièces à Paris, grâce à ses débuts remarqués dans le milieu de la mode – il a commencé à l’école des Arts Visuels de la Cambre à Bruxelles, a travaillé sous la direction de Raf Simons en Belgique et pour une grande marque en Italie, a été nommé au festival d’Hyères, et a collaboré sur plusieurs lignes des galeries Lafayette et de la Redoute.
« Le temple doré », sa collection printemps-été, a été inspirée par « Le temple du pavillon doré », un livre de l’écrivain japonais Yukio Mishima. Toutes ses collections s’avèrent être inspirées par des livres, et le designer cite le Japon comme l’une de ses principales influences. « J’ai eu envie de faire de la mode à cause de Yohji Yamamoto », me dit-il. « Ce livre est l’histoire vraie d’un moine qui, obsédé par la beauté de son propre temple, finit par le brûler. » Louis-Gabriel Nouchi a exploré cette idée à travers sa collection : « J’avais très envie d’avoir ce genre de passion destructrice, et d’abîmer les tissus (…) J’ai pris cette habitude de teindre excessivement le jean car je trouve que ça apporte quelque chose de plus aux vêtements. Ce grunge moderne, c’est devenu une façon de porter des habits (…) d’une manière très chic et élégante.
Collaboration @louisgabrielnouchi & damart, photo by @elimiegmz
Interrogé sur cette esthétique très particulière qui consiste à mixer des vêtements de sport avec de la haute-couture, il explique que les Parisiens « aiment être sophistiqués sans donner l’impression d’y accorder de l’importance ». Selon lui, « les vêtements de sport sont très intéressants, car chacune des pièces a une raison d’être. Chaque poche, chaque partie du vêtement revêt une fonction particulière : ranger votre téléphone, garder vos clés lorsque vous faites un jogging… Tout est pratique. C’est pour cela que je tente de mixer le côté sportif avec la haute couture, en restant sophistiqué. »
C’est un look apprécié à la fois des hommes et des femmes : la moitié de la clientèle de la marque, pourtant masculine, sont des femmes. « Je n’y pensais pas lorsque je dessinais la collection, ou même lorsque je conçois des vêtements en général, mais j’apprécie vraiment le fait que nous ayons une clientèle féminine. Mais tout reste pensé pour les hommes, mes modèles sont des hommes, même si les pièces sont très décomposées et très fluides. »
Je demande à Louis-Gabriel Nouchi où se trouve la place de la mode dans ce monde qui semble se désagréger de jour en jour. « Nous traversons des crises terribles, en particulier à Paris : les gens manifestent (…), tout le monde est très inquiet par rapport au futur, nous ne savons pas vers quoi nous allons. (…) Mais Paris est pleine d’une énergie positive, de nouvelles marques essaiment, nous pouvons créer notre communauté de nouveaux créateurs ici à Paris, même si la période est compliquée. J’espère au moins pouvoir créer des pièces qui amènent un souffle d’air nouveau dans cette époque tourmentée. Nous devons garder l’espoir, et rester positifs face à ce qui s’annonce. »