An artist in pursuit of
Conversation avec le photographe et directeur artistique August Östberg. L’artiste, basé à New York, nous raconte son ambition de façonner des œuvres singulières, qui oscillent à mi-chemin entre la création artistique et le côté commercial d’Instagram, dont il a fait sa nouvelle galerie.
Photographie : @augustotsberg
August Östberg vous invite à regarder quelque chose que vous n’avez jamais vu auparavant. Selon son expression, il « essaie d’inventer des choses qui n’existent pas ». Une prouesse pour un artiste qui expose essentiellement ses pièces sur Instagram, une plateforme qui abrite près de 50 milliards d’images, publiées par un milliard de créateurs, au bas mot. Il fait d’ailleurs remarquer que, sur Instagram, ses créations se retrouvent en compétition avec « des photos de brunch et les mèmes des peoples». Il parvient malgré tout à se démarquer à travers ses images surréalistes. Moitié photographie, moitié art digital, ses œuvres partent d’une scène quotidienne tout à fait anodine – un coucher de soleil, une rue de banlieue, une fraction de seconde dans les transports publics, un parking – à laquelle il confère un air éthéré qui fait vous pénétrer dans un univers parallèle hyper-saturé que vous reconnaissez vaguement. « Cela me plaît de réaliser ce type d’œuvre, qui ont un côté familier et pourtant incongru », remarque August.
Au cours de notre discussion, il me confie rapidement qu’il se considère être un « mauvais photographe » : « je suis mauvais en photographie, je ne maitrise pas toutes les techniques du métier, mais je suis suffisamment fort sur Photoshop pour rattraper le coup ». Je ne suis pas certaine d’être d’accord avec lui quant à ses démérites de photographe, mais je dois bien reconnaître que cette combinaison de talents lui permet de nous montrer sa propre version de la réalité avec une grande maîtrise : la manipulation digitale et la correction des couleurs sur Photoshop lui donnent l’occasion de créer une scène totalement unique à partir d’une photographie très simple. « Je veux principalement pouvoir prendre en photo des choses qui ont une beauté inhabituelle », explique-t-il.
Photographie : @augustotsberg
Je suis intriguée à l’idée de connaître ce qui l’a poussé vers la photographie, dont il dit qu’elle représente chez lui « une sorte d’obsession ». Car s’il crée dans un sens purement « artistique » via son travail sur Instagram, il le fait aussi de manière plus mercantile, en tant que directeur artistique de l’agence digitale AKQA à New York.
« Grâce à mon travail quotidien, je n’ai pas à m’inquiéter pour mes factures en fin de mois. Quand il s’agit de mes projets perso, je peux faire ce qui me plaît au lieu de m’inquiéter pour le côté financier », dit-il. Il rejette cette idée selon laquelle les artistes ont besoin de souffrir pour leur art, et remarque que « la mentalité selon laquelle l’argent est mauvais pour la création est assez puérile, car avoir une vie confortable peut aussi être bien pratique. Les œuvres que je crée sont très simples. Je ne cherche pas à être poétique. J’avais tendance à explorer ce côté profond, ténébreux, quand j’étudiais [l’art] au lycée. Et puis j’ai eu envie de faire des choses qui me rendent heureux. Je tends de plus en plus vers la simplicité. »
De bien des manières, le support qu’August a choisi pour faire connaître son travail a rendu la vie plus simple à bien des artistes. Quelle différence existe-t-il entre une galerie sur Instagram et une galerie dans la vraie vie ? : « Beaucoup de gens pensent que les réseaux sociaux sont mauvais pour l’art, mais je pense au contraire que c’est tout à fait génial… L’époque où une seule personne pouvait donner son avis sur ce qui est « intéressant » dans le monde de l’art est révolue. Avec Instagram, tout le monde a son mot à dire. »
August poursuit en disant que son art et sa quête de nouveauté et de beauté n’est rien de plus que son « égo créatif qui s’exprime ». Encore une fois, je ne suis pas d’accord. August Östberg vous met devant les yeux quelque chose que vous n’avez encore jamais vu, quelque chose qui vous invite à regarder à deux fois pour déceler la magie du quotidien, quelque chose qui vous donne envie, à votre tour, d’exprimer votre propre réalité, juste pour la beauté du geste.