Fashion for Bank Robbers
Véritable ode digitale à la beauté et à la nature expérimentale de l’art vestimentaire, le compte instagram @fashion_for_bank_robbers s’est fait le curateur d’une collection virtuelle des plus beaux masques et accessoires capillaires d’internet. Le mariage réussi de l’art et de la mode.
Body sculpture by @daniele_papuli, photo by Petar Strmecki
Lorsque j’ai sollicité pour une interview Carina Shoshtary, fondatrice et curatrice du compte Instagram Fashion for Bank Robbers (littéralement, Le style pour les braqueurs de banque), elle m’a répondu qu’elle organisait deux expositions différentes cette semaine-là et qu’elle risquait d’être un peu occupée. De quoi susciter mon intérêt ! J’ai immédiatement cherché son nom sur Google, ce qui m’a permis de découvrir qu’elle était elle-même créatrice de bijoux contemporains, des pièces uniques exposées dans les galeries et vendues dans les boutiques du monde entier. Il semble logique que ce soit une artiste qui gère les publications de ce compte Instagram, véritable collection virtuelle de pièces d’art vestimentaire.
Fashion for Bank Robbers a débuté lorsque l’artiste germano-iranienne Carina Shoshtary s’est lancée publiquement à la recherche de masques et d’accessoires capillaires. Pour « inspirer d’autres artistes à créer des pièces fabuleusement étranges », elle a décidé de partager à tous ces trouvailles qui avaient nourri sa propre recherche artistique. Selon elle, c’est l’incroyable liberté qui caractérise le domaine de l’artwear, l’art vestimentaire, qui permet à ces pièces fabuleusement étranges de voir le jour. « Les mots “bijoux” et “mode” évoquent immédiatement des images spécifiques », explique l’artiste. « En revanche, l’art vestimentaire fait référence à quelque chose de beaucoup plus ouvert, car il ne se raccroche à aucun matériau, aucune forme, aucune partie du corps en particulier. »
Headpiece by @carinashoshtary, photo by Laurens Grigoleit, styling by Katharina Gruszczynski, Make Up Artist : Valerie Malka
Sans nul doute, les créateurs d’aujourd’hui jouissent d’une grande liberté dans leur travail quand il s’agit d’expérimenter l’art vestimentaire. C’est quelque chose que l’on comprend facilement en étudiant les merveilleuses créations de James Merry, le créateur personnel des accessoires de la chanteuse islandaise Björk, qui a profondément influencé le travail de Carina Shoshtary.
Mask and photo by Magnhild Kennedy @Damselfrau
Masques de sirènes constellés de perles, pièces représentant des papillons de nuit brodés de dentelle, dont les yeux en silicone, semblables à des fleurs, semblent éclore directement sur la peau… ses créations tout droit sorties d’un autre monde sont d’incroyables travaux artistiques expérimentaux. Ses œuvres permettent à la chanteuse d’incarner en tant qu’artiste et interprète sa singulière perception du monde. « Le fait que l’on ne porte généralement pas de masques ou d’accessoires capillaires dans la vie quotidienne, à l’exception des chapeaux, semble donner aux artistes la liberté de créer des pièces totalement loufoques et inventives », me fait remarquer Carina Shoshtary. « Les bijoux de tête et les masques sont généralement vus comme la prolongation du propre corps de leur créateur, qui les utilise pour exprimer une idée. Bien souvent, les artistes nous racontent des histoires personnelles très intimes à travers ce type de pièces. »
Carina Shoshtary confie que son propre travail de joaillière « a évolué vers une conversation entre l’art et le corps. À présent, la plupart de mes pièces sont moulées sur un corps humain, ou réalisées dans l’intention de changer son anatomie. Elles ne prennent vie qu’à partir du moment où elles sont portées. »
L’artiste a fait du chemin depuis ses premières réalisations, « des broches faites à partir de peinture en spray récupérée sur des murs de graffitis ». Elle explique son processus créatif : « J’utilise de la peinture en spray, récupérée sur des murs de la ville qui ont été peints de manière excessive. J’utilise aussi les matériaux que je trouve en me baladant dans la nature : des morceaux de bois, des plantes séchées, des coraux, des coquillages, des pierres… Mon art est tissé de ces images, des ces pensées et de ces rêves quotidiens, de tout ce qui fait ma vision personnelle d’une nature parallèle. »
Lorsque je l’interroge sur l’origine du nom Fashion for Bank Robbers, elle me répond par une autre question. « Si vous deviez dévaliser une banque, pourquoi ne pas le faire avec style ? » J’imagine alors un cambrioleur braquant une banque avec l’un de ces masques oniriques de sirène recouverts de perles que j’ai vu sur le visage de Björk, et réalise à quel point le monde de l’art vestimentaire est celui des fantasmes, et permet d’échapper à la réalité pour rejoindre un monde parallèle, bien plus intéressant.